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Au printemps des monstres, Philippe Jaenada


Le 26 mai 1964, Luc Taron, un garçon de 11 ans, s’enfuit du domicile familial dans le 18e arrondissement à Paris. Le lendemain, son corps est retrouvé au pied d’un chêne dans le bois de Verrières, dans l’Essonne.


Quelques jours plus tard, ce crime odieux qui défraie la chronique est revendiqué par un corbeau qui envoie une cinquantaine de lettres à la presse, à la police et au ministre de l’Intérieur, signées « L’étrangleur ».


L’homme finit par être arrêté (presque volontairement, dans un désir dément de gloriole) : il s’agit de Lucien Léger, un jeune infirmier de 27 ans, sans histoires, qui avoue le meurtre en fournissant de nombreux détails.



Jugé en mai 1966, il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Sans preuves, sans mobile.


Fin de l’histoire ? Non, car Lucien Léger se rétracte : s’il est bien l’auteur des lettres anonymes, il n’a rien à voir avec la mort de l’enfant. Il a reconnu les faits uniquement pour protéger le véritable tueur, un certain Monsieur Henri. Mais il invente, il ment, il revient sur ses déclarations, change de versions. Il s’enlise, il décourage ses avocats qui se succèdent.


Après treize demandes de libération conditionnelle, Lucien Léger (qui n’a cessé de proclamer son innocence) sortira de prison en 2005, après 41 ans d’enfermement (il est le plus vieux détenu de France). Il est mort en 2008 à 71 ans.


Des décennies plus tard, la question demeure : Lucien Léger a-t-il assassiné le petit Luc Taron ?


Durant trois années, Philippe Jaenada (qui s’intéresse aux affaires criminelles classées sur lesquelles subsistent des zones d’ombre) a mené une enquête minutieuse, en révélant les failles, les incohérences de ce dossier. Il a rencontré les enquêteurs et certains témoins de l’époque. Il a consulté, analysé tous les documents, toutes les lettres, toutes les archives, il a épluché, disséqué la vie de tous les protagonistes (nombreux) de cette affaire qui, pour certains, ont un passé peu reluisant (notamment Yves Taron, le père du petit garçon assassiné), en se rendant sur les lieux où ils ont vécu.

Il ne ménage pas non plus les avocats de Lucien Léger, et en particulier Maurice Garçon. Aucun détail ne lui échappe, pour finalement nous faire douter de la culpabilité de celui qui fut surnommé « L’Etrangleur ». Parce que Philippe Jaenada est persuadé que Lucien Léger n’a pas commis ce crime.


Avec son sens inimitable de l’autodérision, son style humoristique (on rit beaucoup) et son goût prononcé pour les digressions (des anecdotes sur ses problèmes de santé et son combat contre le tabagisme), ce pavé de 750 pages, fruit d’un travail mené avec une patience infinie, reconstitue l’une des affaires judiciaires les plus célèbres des années soixante.

C’est parfois (souvent) long, répétitif, on s’y perd parmi tous les détails, mais on ne peut qu’être admiratif face à ce travail titanesque mené dans le but de traquer la vérité.


Mialet-Barrault Editeurs, 2021


A propos de l’auteur


Après avoir écrit des romans autobiographiques, Philippe Jaenada se tourne vers le fait divers. Il est notamment l’auteur de « Sulak » (l’histoire du célèbre braqueur Bruno Sulak), « La petite femelle » (livre consacré à Pauline Dubuisson, jugée pour le meurtre de son ex-petit ami) et « La Serpe » (inspiré du triple assassinat du château d’Escoire), Prix Femina 2017.

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