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Belle Green, Alexandra Lapierre


Après avoir dressé le portrait de Fanny Stevenson, d’Artemisia Gentileschi ou encore de Moura Budberg, Alexandra Lapierre retrace dans son dernier roman le destin exceptionnel d’une autre femme oubliée par l’Histoire : Belle da Costa Green, une Afro-américaine qui, en falsifiant son identité pour pouvoir vivre comme une femme blanche à l’époque de l’Amérique ségrégationniste, a été la première directrice de la Morgan Library à New York et la femme la mieux payée aux Etats-Unis.


New York, 1898. Dans le minuscule appartement de la famille Greener – issue de nombreux métissages - Belle, la cadette des cinq enfants, a pris une décision radicale : franchir la barrière de couleur en créant une nouvelle identité pour pouvoir réaliser son rêve, travailler dans le monde des livres.


Un pari risqué car la population est divisée en deux groupes : white or colored. Et les métis sont considérés comme noirs, selon la règle de l’unique goutte de sang noir – One-drop Rule – qui stipule qu’un seul ancêtre africain suffit pour être considéré comme une personne de couleur. Avec son cortège de discriminations et de persécutions. Et quiconque transgresse cette loi risque la peine de mort.


Contrairement à ses frère et sœurs qui sont blancs aux cheveux blonds, Belle a la peau mate. Elle s’invente donc des origines aristocratiques portugaises, du côté de sa mère, et anglaises du côté de son père. Toute la famille accepte The Passing (se faire passer pour blanc) et les membres de la fratrie jurent de ne jamais avoir d’enfants (qui risqueraient d’être noirs) pour ne pas trahir les autres.


C’est ainsi qu’en 1903, Belle da Costa Green trouve un emploi comme agent de bibliothèque à l’Université de Princeton où elle saisit très vite les rouages du métier et se passionne pour les livres rares. Deux ans plus tard, elle est engagée par la Morgan Library, du nom de son fondateur, John Pierpont (J.P.) Morgan, magnat des finances et grand collectionneur d’œuvres d’art et de livres.


Grâce à sa ténacité, son intelligence et son charisme, elle gravit tous les échelons. Et sa carrière est spectaculaire : devenue le bras droit de J.P. Morgan – un homme brillant mais jaloux et tyrannique - la bibliophile est présente à toutes les grandes ventes de manuscrits, livres et œuvres d’art, reçoit dans son bureau les plus grands industriels de l’époque, les directeurs de journaux et les conservateurs de musées, côtoie l’aristocratie internationale, fréquente les meilleures tables de Manhattan et assiste aux premières des opéras.


Mais l’importance de son poste auprès de l’illustre banquier l’expose à la curiosité des journalistes. Qui est cette femme sinon la maîtresse voire la fille naturelle du magnat ? Belle craint que son secret ne soit découvert d’autant plus que son père, Richard Greener, célèbre activiste noir, qui a abandonné sa famille, considère sa volonté de cacher ses origines comme une trahison.


A la mort de J.P. Morgan, Belle devient la directrice de la Morgan Library et la cheffe d’entreprise la mieux payée d’Amérique.


Toute sa vie, Belle a vécu avec son secret et la crainte qu’il ne soit dévoilé au grand jour. Mais aussi avec le sentiment de trahir.


Elle a eu beaucoup de liaisons, notamment avec l’historien d’art Bernard Berenson, spécialiste de la Renaissance italienne, mais elle ne s’est jamais mariée pas n’a pas eu d’enfants.


En 2024, la Morgan Library fêtera le centième anniversaire de son ouverture au public. La correspondance de Belle avec des érudits seront présentés afin de rendre hommage à celle qui fut le génie des lieux. Mais rien de sa vie privée : peu de temps avant sa mort en 1950, Belle a brûlé photos, lettres, journal intime. Elle a voulu effacer toutes les traces pour briser la chaîne de la fatalité puisque le racisme est partout.


Cette magnifique biographie romancée, fruit de trois années de recherches, nous fait découvrir le destin hors norme d’une femme audacieuse qui, la peur au ventre, a pris tous les risques pour réaliser son rêve en refusant la discrimination dont sont victimes les Afro-américains et qui les empêche de trouver de bons emplois.

Ce livre est aussi une plongée passionnante dans le monde des collectionneurs, des livres anciens et des plus grandes ventes de l’époque, notamment celle de la collection de Robert Hoe.


Editions Flammarion, 2021


A propos de l’auteure


Auteure de romans, de nouvelles et de biographies traduits dans une vingtaine de pays, Alexandra Lapierre a reçu de nombreuses récompenses dont le Grand Prix des lectrices de Elle pour "Fanny Stevenson", le Grand Prix de l’Héroïne Madame Figaro pour « Moura » et le « Book of the Week », décerné par la BBC. Lire aussi la critique de « Avec toute ma colère ».




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