Véritable cri de colère, ce onzième roman de Sorj Chalandon est dédié à ceux qui, comme lui, ont été tyrannisés et martyrisés durant leur enfance. Un livre magistral.
1934. Depuis sept ans, Jules Bonneau dit « La Teigne » hurle sa rage à la Colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer.
Quand sa mère s’est enfuie avec l’accordéoniste d’un bal musette, son père l’a envoyé chez ses grands-parents qui s’en sont débarrassé en l’envoyant au bagne à l’âge de 13 ans.
La nuit, enfermé dans sa cellule grillagée, pas plus grande qu’une cage à lapins, il rêve de s’évader. Mais on ne s’évade pas d’une île. Alors, il continue à subir les coups, les insultes, les humiliations, le travail forcé, les punitions des matons (joliment appelés des « moniteurs »), des cogneurs impitoyables puant l’alcool. Les voyous comme lui doivent être brimés, écrasés, affamés pour qu’ils deviennent des honnêtes hommes.
Bonneau n’a pas d’amis à la Colonie. « Je n’ai pas le droit aux sentiments. Les sentiments, c’est un océan, tu t’y noies. Pour survivre ici, il faut être en granit ». Pourtant, il prend sous son aile Camille Loiseau, un orphelin de 13 ans, maltraité et violé par les caïds de la prison.
Le 27 août 1934, alors que le petit Camille est massacré par les gardiens pour avoir mangé son fromage avant sa soupe, Bonneau, pris d’un accès de rage, déclenche une révolte. Les gamins maîtrisent les matons, cassent tout et cinquante-six d’entre eux parviennent à s’échapper du pénitencier. Une récompense de 20 francs est offerte pour chaque fugitif capturé. Aussitôt, les habitants de l’île, hommes, femmes et enfants mais aussi des touristes se lancent dans une chasse à l’enfant effrénée.
De passage sur l’île au moment de la mutinerie, Jacques Prévert en tirera son célèbre poème intitulé « Chasse à l’enfant », qui sera mis en musique par Joseph Kosma.
Tous les évadés seront repris, sauf Bonneau qui trouvera refuge chez un pêcheur de sardines, une belle âme qui le fera passer pour son neveu auprès de son équipage. Mais la situation est risquée car « La Teigne », façonné par la violence, est rongé par ses envies de vengeance. Il doit à tout prix quitter l’île. En homme libre, mais pas pour longtemps.
En s’inspirant de faits historiques, l’auteur a créé le personnage de « La Teigne » pour raconter le destin tragique d’un gamin rejeté par sa famille et devenu bagnard. Un enfant martyrisé et enragé qui lui ressemble. Car, comme il l’a déclaré, la rage couve depuis toujours en lui après toutes les violences qu’il a subies de la part de son père. En entrant dans la peau de Jules Bonneau, il prend en quelque sorte sa revanche.
La Colonie pénitentiaire pour mineurs de Belle-Île-en-Mer ne fermera ses portes qu’en 1977.
Editions Grasset, 2023
A propos de l’auteur
Ancien grand reporter, prix Albert-Londres pour son reportage sur le procès de Klaus Barbie, Sorj Chalandon est l’auteur de onze romans dont, entre autres, « Une promesse », qui a obtenu le prix Médicis, « Le Quatrième mur », prix Goncourt des lycéens et « Retour à Killybegs », Grand Prix du roman de l’Académie française.
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