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L’inconnu de la poste, Florence Aubenas


Après le succès de « Le quai de Ouistreham », Florence Aubenas revient avec une incroyable histoire (vraie) qui a fait couler beaucoup d’encre : le meurtre de la postière d’un petit village du Jura dans lequel a été impliqué l’acteur Gérald Thomassin.


Montréal-la-Cluse, le 19 décembre 2008. Catherine Burgot, fille d’un notable local, est découverte gisant dans une mare de sang dans la salle de repos du bureau de poste où elle travaillait. Assassinée de vingt-huit coups de couteau dont certains ont transpercé les poumons et brisé des côtes. Elle avait 41 ans, était mère de deux enfants et enceinte de cinq mois et demi. Tous les habitants de ce bourg ouvrier de la « Plastics Vallée » sont sous le choc. « C’est notre 11 septembre à nous », ne cesse de répéter l’adjoint au maire.


Aucune piste n’est écartée, d’autant que le meurtre s’accompagne d’un vol de 2600 euros. Les soupçons se portent en premier lieu sur l’ex-mari mais il est vite innocenté car les empreintes génétiques ne correspondent pas.


Les enquêteurs s’intéressent alors à un marginal qui, depuis un an, vit au sous-sol d’un petit immeuble, qu’il a baptisé « La Grotte », juste en face de la poste. Il s’appelle Gérald Thomassin et il n’est pas totalement inconnu puisqu’il a reçu en 1991, à l’âge de 17 ans, le César du meilleur espoir masculin pour son premier rôle dans le film « Le petit criminel » de Jacques Doillon.

Très sollicité par le monde du cinéma, le jeune acteur est apparu ensuite dans une vingtaine d’autres films aux côtés de grands acteurs français, grâce à Dominique Besnehard, l’agent artistique qui gère sa carrière.


Mais, indifférent à ses récompenses cinématographiques, cet enfant de la Ddass, fils d’une trafiquante d’héroïne, est toxicomane et alcoolique. Après chaque tournage, il disparaît, dépense ses cachets en cadeaux et en drogues dures, sombre dans la déchéance et, entre deux tentatives de suicide, survit grâce au RSA ou en faisant la manche.


A Montréal-la-Cluse, dont il n’est pas originaire, Gérald Thomassin suscite la méfiance et, de rumeurs en rumeurs, il incarne le coupable idéal. Le père de Catherine Burgot, totalement brisé par ce meurtre, ne cesse d’ailleurs de persuader les enquêteurs que c’est lui l’assassin. N’a-t-il pas joué le rôle « d’un petit criminel » ?


L’acteur est interrogé, relâché puis, en 2013, incarcéré en détention provisoire pendant deux ans et, à nouveau, libéré sous contrôle judiciaire. Car si des présomptions pèsent sur lui, son avocat Eric Dupond-Moretti met en avant le manque de preuves matérielles, ADN ou témoins.


Dix ans et cinq juges d’instruction après le meurtre, coup de théâtre : un autre suspect est appréhendé, un ambulancier dont l’ADN a été trouvé sur la scène du crime. L’homme reconnaît sa présence sur les lieux et le vol mais répète aux enquêteurs que la victime était déjà morte. Une confrontation doit avoir lieu le 29 août au palais de justice de Lyon. Gérald Thomassin, qui vit à Rochefort, persuadé qu’il va enfin être innocenté.


Mais l’acteur ne s’est jamais rendu à la convocation. Sa trace se perd aux alentours de Nantes. Depuis le 28 août 2019, il a totalement disparu.


Gérald Thomassin a bénéficié d’un non-lieu.


Est-il mort ? Personne ne le sait mais on peut supposer qu’il s’est suicidé.


Et finalement, qui a tué Catherine Burgot ?


Ce livre, qui se lit comme un polar à la Simenon, est le fruit de sept années d’enquête. Grand reporter au journal « Le Monde », Florence Aubenas a mené un travail d’investigation avec une grande rigueur journalistique et a rencontré la plupart des protagonistes, mais pas Gérald Thomassin avec qui elle avait rendez-vous le jour de la confrontation à Lyon.


Au-delà de ce fait divers incroyable aux multiples rebondissements, son récit est aussi une étude sociologique extrêmement détaillée d’un village provincial confronté à un meurtre. Sans jamais porter aucun jugement, elle décrit d’une belle plume la vie de gens ordinaires qui, quotidiennement, font face au chômage, à l’ennui, à la solitude, à l’alcoolisme, aux drames familiaux. Aux paumés toxicomanes comme aux notables, Florence Aubenas offre à chacun d’eux la dignité d’un destin.


Editions de l’Olivier, 2021


A propos de l’auteure

Grand reporter à « Libération », « Le Nouvel Observateur » puis « Le Monde », Florence Aubenas a publié de nombreux ouvrages dont « La Méprise : l’affaire d’Outreau » (éditions du Seuil, 2005) et « Le Quai de Ouistreham » (éditions de l’Olivier, 2010)

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