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La gloire des maudits, Nicolas d’Estienne d’Orves


Paris, 1955. Depuis que son père, un dandy qui a fait preuve de « légèreté » pendant l’Occupation, a été exécuté sous ses yeux à la Libération, Gabrielle Valoria, la trentaine, élève seule son petit frère Simon dans leur grand appartement et, pour survivre, vend peu à peu son héritage familial.


Un jour, elle trouve sous son paillasson une lettre déposée par un inconnu qui lui raconte le drame de sa vie : ami d’enfance puis amant de la célèbre romancière Sidonie Porel, il a largement contribué à l’écriture de ses livres. Mais après l’avoir quitté sans aucune explication, elle s’est approprié leur œuvre commune, en le radiant de sa vie. Elle lui a tout volé, son inspiration et son honneur.


D’autres missives suivront et la jeune femme finit par rencontrer l’homme qui les a écrites. Il s’appelle Léon Darmeille et lui propose de la payer pour entrer en contact Sidonie Porel, sous prétexte d’écrire sa biographie, afin que le monde entier sache qu’elle est une menteuse, une imposture.


Intriguée par cette histoire et en manque d’argent, Gabrielle se lance dans cette enquête. Un défi de taille car Sidonie est méfiante et inaccessible, comme si elle avait beaucoup à cacher. Mais contre toute attente, la romancière et présidente de l’académie Goncourt la prend sous son aile (après tout, elle est la fille d’Enrique Valoria, qui fut son amant) et la présente au Tout-Paris intellectuel et artistique des années 50 qui se presse à son domicile.


Et chez Sidonie Porel, une femme adulée, courtisée et manipulatrice, elle croise « du beau monde » : de Paul Morand à Jacques Benoist-Méchin, en passant par Lucien Rebatet, Arletty ou encore la cantatrice Germaine Lubin, des collaborateurs et antisémites, dont certains ont purgé de légères peines ou sont passés entre les mailles du filet, se réunissent pour boire du champagne en échangeant leurs « bons » souvenirs.


Loin d’être rebutée (certains de ces traîtres fréquentaient son père), Gabrielle est fascinée par ce Paris mondain et son opinion évolue à propos de « l’usurpatrice », car si Sidonie est charmeuse, séductrice et adore être entourée de soupirants (qu’elle méprise), son cœur est tout entier consacré à son œuvre.


Alors, y a-t-il un mystère Sidonie Porel ? Gabrielle en est persuadée, mais ce qu’elle découvre est bien loin de ce qu’elle avait imaginé.


Mélangeant réalité et fiction, l’auteur nous plonge dans les années d’après-guerre en France où d’anciens collaborateurs, menteurs, cyniques et opportunistes, se sont reconvertis en tentant de cacher leurs sombres secrets. Mais le passé finit toujours par remonter à la surface, parfois de façon sournoise.


Une histoire passionnante et bien documentée qui met en lumière le rôle peu reluisant de certains écrivains, journalistes ou artistes durant l’Occupation. Parmi les personnages cités, certains sont connus, d’autres sont imaginés mais l’on peut toutefois deviner en filigrane leur véritable identité.


Editions Albin Michel, 2017


A propos de l’auteur


Ecrivain, journaliste, chroniqueur et critique musical, Nicolas d’Estienne d’Orves est l’auteur de plusieurs romans et essais, dont « Othon ou l’Aurore immobile », couronné par le prix Roger-Nimier en 2002, et « Les Fidélités successives », qui explore les ambiguïtés de l’Occupation et qui a reçu le prix Cazes Brasserie-Lipp en 2012.

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