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Lolita, la véritable histoire, Sarah Weinman

Le 14 juin 1948, dans le New Jersey, Sally Horner, âgée de 11 ans, est kidnappée par Frank La Salle, un garagiste quinquagénaire qui prétend être un agent du FBI. Pendant vingt et un mois, il sillonne les Etats-Unis en se faisant passer pour le père de la petite fille, qu’il ne cesse de violer. Si elle le dénonce, il l’enverra en maison de correction. Au cours de leur périple, ils échouent dans un parc à caravanes dans la banlieue de San Jose. La fillette se confie à une voisine qui, aussitôt, donne l’alerte. La Salle (qui avait déjà purgé une peine pour atteinte sexuelle sur mineur) est arrêté et finira sa vie en prison où il est mort en 1966.

Ce fait divers tragique a défrayé la chronique d’autant plus que la jeune Sally est morte dans un accident de voiture deux ans après avoir été arrachée des griffes du pédophile.


Lorsque « Lolita » est publié en 1955 par Olympia Press – après avoir été refusé par de nombreuses maisons d’édition par crainte du scandale -, et que la renommée de son auteur a pris de de l’ampleur, un journaliste s’est fait taper sur les doigts par les Nabokov pour avoir révélé que l’écrivain avait largement puisé dans l’histoire de Sally Horner pour écrire son très controversé roman.


Car Vladimir Nabokov a toujours refusé d’admettre que ses écrits étaient inspirés d’histoires vraies. Ce serait reconnaître qu’il n’était pas totalement maître de son art et que son œuvre était influencée par des faits réels. En d’autres termes : l’art est supérieur à l’influence et, par conséquence, l’influence n’a pas à être examinée.


La journaliste américaine Sarah Weinman a mené des recherches minutieuses – elle s’est plongée dans l’œuvre de Nabokov mais également ses notes, ses manuscrits, ses lettres, ses journaux intimes - afin de démontrer que la triste histoire de Sally a inspiré l’œuvre de l’écrivain : « Ce que Humbert Humbert a fait à Dolores Haze est en fait exactement ce que Frank La Salle a fait en 1948 à Sally Horner ».


Elle souligne également que l’écrivain russe n’a cessé tout au long de sa carrière littéraire d’aborder le thème de l’homme d’âge mûr hanté par le désir de posséder sexuellement des petites filles. Nombreux sont les critiques et biographes à avoir fouillé dans la vie de Nabokov afin d’y dénicher un goût pour les jeunes enfants. En vain, car l’écrivain protégeait sa vie privée et ne répondait aux interviews que par écrit. « Lolita », qui élève un pédocriminel à la dignité littéraire, devait être considéré comme une « love story ».


Mais avant tout, dans ce livre remarquable, Sarah Weinman a voulu rendre hommage à la petite Sally (que tout le monde, à part sa famille, a oubliée) en racontant son calvaire. Comment cette petite fille intelligente, séquestrée et violée à répétition, a trouvé la force de survivre ? Pour mourir dans un accident de voiture à l’âge de 15 ans.


Editions du Seuil, 2019. Titre original : « The Real Lolita »

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Chapman.


A propos de l’auteur


Critique littéraire pour le New York Times, le Washington Post, le New Republic et le Guardian, Sarah Weinman a également publié de nombreux essais sur les droits des femmes.

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