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Nous n’avons pas vu passer les jours, Simone Schwarz-Bart et Yann Plougastel


« Ce que j’éprouvai le jour de notre rencontre ne relevait en rien du coup de foudre, mais du simple constat de m’être enfin trouvée, de me découvrir pour la première fois : j’avais vingt ans et je savais avec certitude que j’avais croisé un homme que j’aimerais toute ma vie ».

C’est en ces termes que Simone Brumant raconte sa rencontre avec André Schwarz-Bart à Paris, le 15 mai 1959. Une rencontre qui sera déterminante tant pour la jeune étudiante guadeloupéenne que pour celui qui vient de déposer le manuscrit de son premier roman, Le Dernier des Justes, aux Editions du Seuil.


Six mois plus tard, à la surprise générale, il remporte le prix Goncourt. Mais sa notoriété soudaine le met mal à l’aise : il ne se considère pas comme un écrivain ni comme un porte-parole du peuple juif. Il a seulement voulu rendre hommage à ses parents, à deux de ses frères et à sa tante déportés et assassinés. « Mon livre… quelques petits cailloux blancs… déposés sur leur tombes », déclare-t-il sur un plateau de télévision.


Vendu à plus d’un million d’exemplaires, Le Dernier des Justes – un livre majeur pour les générations futures, selon Elie Wiesel – suscite toutefois des polémiques.


Le rédacteur en chef du journal culturel Arts relève des erreurs historiques dans le déroulement du roman et estime que le succès d’André est illégitime car d’autres avant lui avaient témoigné de la solution finale. Et il l’accuse même d’avoir plagié de nombreux auteurs. Mais l’écrivain est surtout blessé par les attaques d’intellectuels juifs qui lui reprochent d’avoir montré une version trop « lacrymale » de l’histoire juive : Ernie, le héros de son roman, s’abandonne à la fatalité, ne se révolte pas, ne se bat pas contre le nazisme.


Désemparé face à ces polémiques à rebondissements, André se réfugie en Guyane.


En 1961, il épouse Simone et le couple voyage au Sénégal, puis en Suisse. C’est là qu’il décide d’écrire une série de romans sur l’esclavage. Simone avoue avoir découvert sa propre histoire à travers celle d’André, à travers la Shoah : « Chacune de nos histoires se rejoignaient dans l’universelle et ordinaire dégradation de l’homme par l’homme ».


Ensemble, ils publient Un plat de porc aux bananes vertes, le premier des sept tomes d’un cycle nommé la Mulâtresse solitude, héroïne et martyre de la grande révolte des esclaves.

Mais les lecteurs qui attendaient un deuxième « Dernier des Justes » ne comprennent pas la démarche de l’écrivain. De plus, certains Antillais ont estimé qu’un homme blanc ne pouvait pas écrire sur les Noirs. Le livre est un échec.


Le couple et leurs deux enfants s’installent en Guadeloupe.

André ne publie plus. Mais il noircit chaque jour des piles de feuillets, des manuscrits qu’il brûle : il écrit, détruit, réécrit…


C'est l’histoire d’un couple rare, deux écrivains, l’une guadeloupéenne, l’autre juif, dont l’œuvre croisée témoigne de la souffrance de leurs peuples. Ils vécurent longtemps ensemble, sans voir passer les jours...


Dans ce livre extrêmement émouvant, Simone Schwarz-Bart et Yann Plougastel rendent un vibrant hommage à l’auteur du Dernier des Justes qui, comme l’a écrit Françoise Giroud « n’est pas un monument de la littérature, c’est une épée que l’on vous enfonce délicatement dans le ventre ».


Editions Grasset, 2019


A propos des auteurs


Simone Schwarz-Bart qui a cosigné plusieurs romans avec son mari André Schwarz-Bart est également l’auteur de Pluie et Vent sur Télumée Miracle (Grand Prix des lectrices Elle 1973) et Ti Jean l’horizon (1979). Yann Plougastel est journaliste au Monde.

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