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OMAR, la fabrication d’une injustice, Jean-Marie Rouart


L’affaire Omar Raddad figure parmi les plus retentissantes affaires criminelles – et, selon Jean-Marie Rouart, l’une des grandes injustices – du XXe siècle.


Le 24 juin 1991, le cadavre de Ghislaine Marchal, veuve d’un célèbre équipementier automobile, est découvert dans la cave de sa propriété à Moulins, un petit village près de Cannes. Le corps de la victime, seulement vêtu d’un peignoir, porte les traces d’une dizaine de coups de couteau assénés à la poitrine, à la gorge et à la cuisse. Sur la porte d’entrée et celle de la chaufferie, les gendarmes découvrent deux inscriptions qui semblent avoir été inscrites avec son sang : « OMAR M’A TUER » et « OMAR M’A T ».


Très vite, les soupçons se portent sur son jardinier, Omar Raddad, un Marocain de 28 ans. La veille, il a effectivement travaillé chez Madame Marchal avant de rejoindre sa femme qui se repose chez sa belle-sœur à Toulon après la naissance de leur second enfant, et de fêter ensemble l’Aïd-el-Kebir.


Interpellé et interrogé à la gendarmerie de Cannes, Omar, analphabète et qui s’exprime très mal en français (on ne fait pas appel à un interprète) tente de raconter sa journée du 23 juin et nie être l’auteur du meurtre. A l’issue de sa garde à vue, il est toutefois inculpé d’homicide volontaire et incarcéré à la maison d’arrêt de Grasse.


C’est en lisant ce fait divers dans la presse que l’écrivain Jean-Marie Rouart (membre de l’Académie française depuis 1997) se passionne pour l’affaire avec la conviction qu’Omar Raddad est innocent, mais que les gendarmes, pour accréditer sa culpabilité, se sont efforcés de construire un mobile : le besoin d’argent, à cause de son addiction aux machines à sous sur la Croisette. Pourquoi un homme dont tous les employeurs ont loué le caractère doux et pacifique, inconnu des services de police, se serait mué subitement en un assassin sadique, simplement au motif que sa patronne (principale source de ses revenus) lui a refusé une avance sur son salaire ?


Dès le départ de l’enquête, les gendarmes, le juge d’instruction et la famille de la victime vont converger vers la même certitude : Omar est coupable. Alors, pourquoi chercher ailleurs ?


Pourtant, durant l’enquête, des pistes ont été négligées, des analyses n’ont pas été effectuées, et les contradictions et incertitudes scientifiques des experts abondent. L’ADN d’Omar n’apparait nulle part dans la cave, et aucune investigation n’a été menée dans le milieu proche de la victime. Et pourquoi l’incinération de Ghislaine Marchal a-t-elle été autorisée avant même la rédaction définitive du rapport des médecins légistes, ce qui privait de la possibilité de demander une contre-expertise ?


Malgré l’absence de preuves, l’absence d’aveux, l’absence de mobile, en 1994, Omar Raddad, défendu entre autres par Jacques Vergès, est condamné à 18 ans de réclusion criminelle avec circonstances atténuantes (écourtés, en 1996, par une grâce partielle accordée par le président Jacques Chirac, à la requête du roi Hassan II du Maroc).


Gracié mais pas innocenté.


Après avoir publié, en 1994, un premier livre sur l’affaire Omar Raddad, « Omar : la construction d’un coupable », Jean-Marie Rouart revient en détail sur toutes les zones d’ombre de ce crime énigmatique, sur une instruction lacunaire menée uniquement à charge, sur un verdict qui a suscité indignation et protestations, sur les rebondissements de cette condamnation et les tentatives de réhabilitation d’un homme accusé à tort. Un livre pour dénoncer une injustice.


Cette nouvelle édition a été publiée juste avant que la commission d’instruction de la Cour de révision ne décide de la tenue d’un nouveau procès.


Le 13 octobre 2022, alors que de nouveaux éléments tendaient à démontrer qu’il subsistait de sérieux doutes quant à la culpabilité de l’accusé, la justice a rejeté la deuxième requête en révision de l’affaire Omar Raddad.


Il n’y aura donc pas de nouveau procès.


Editions Le Fallois et Bouquins Editions, 2022.


A propos de l’auteur


Romancier, essayiste et chroniqueur, Jean-Marie Rouart a publié une quarantaine de livres dont « Les feux du pouvoir » (prix Interallié 1977), « Avant-guerre » (Prix Renaudot, 1983), « Ils ont choisi la nuit » (prix de l’Essai de l’Académie française en 1985). Il est également l’auteur d’une biographie du duc de Morny « Morny, un voluptueux au pouvoir ». Il a également été rédacteur en chef du « Quotidien de Paris » et directeur du « Figaro littéraire ». Le 18 décembre 1997 il est élu à l’Académie française.

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