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Petite sale, Louise Mey


« La terre est riche. La boue est riche. Elle pas. Tout le monde est plus riche qu’elle, même la boue ».


Catherine, elle, est pauvre. Tout le monde la commande au Domaine. Elle est en dernier, après la boue, après les porcs. « Petite sale » : c’est comme ça que la femme de Monsieur la désigne. Et pas question qu’elle entre dans le salon !


Alors, la petite bonne de dix-neuf ans met son tablier et se fait invisible, toute petite. Parce que les filles qu’on regarde ont des problèmes, alors elle préfère qu’on ne la regarde pas. Pour éviter les mains baladeuses, les remarques grossières des ouvriers. Tête baissée, pour qu’on ne puisse pas lire dans ses yeux la colère qu’elle ravale, elle nettoie, prépare le café et jette des pelures aux cochons, en luttant contre le froid humide.


Monsieur, lui, est riche. Et puissant. Il est le plus important employeur de la région. Il achète les terres, toutes les terres qui dominent la vallée et puis il arrache les bosquets et les arbres, qui ne servent à rien, et creuse des sillons pour planter des betteraves. Des champs de betteraves à perte de vue.


Et puis un jour glacial de février 1969, Sylvie, la petite-fille de Monsieur, âgée de quatre ans, disparaît.


Catherine est la dernière personne à l’avoir vue.


Les gendarmes l’interrogent, constatent qu’elle « est à la limite du retard mental ». Alors, ils n’insistent pas. Ils cherchent la fillette mais ne la trouvent pas. Et lorsqu’une demande de rançon arrive, on fait venir deux policiers de Paris. Monsieur a beaucoup d’argent, mais il n’est pas content : deux millions de francs c’est quand même beaucoup. Parce que c’est à lui que la demande de rançon a été adressée et non pas aux parents de Sylvie.


Et Monsieur a beaucoup d’ennemis parce qu’il a repris toutes les terres des petits paysans qui battaient de l’aile et qui, après avoir aussi perdu leurs maisons, sont contraints de travailler pour lui. Quelle humiliation ! L’un de ces hommes pourrait-il vouloir se venger ?


Mais les policiers ont beau patauger dans la boue en grelottant, eux non plus ne trouvent pas la petite fille. Car au village, personne n’ose parler, de peur d’avoir des ennuis avec Monsieur.


Inspiré d’un fait divers des années 1960, ce roman noir magnifiquement construit nous plonge dans l’atmosphère glauque d’un petit village du Nord de la France où règne un despote méprisant et pingre qui se fait obéir en crachant et en tonnant, avec un droit de toute puissance que lui confère sa fortune (comme au Moyen Age).


Un polar rural puissant dans lequel l’auteure décrit la violence des rapports de domination de classe et les violences faites aux femmes.


Editions du Masque, 2023.


A propos de l’auteure


Auteure d’une dizaine de polars, dont « Les Ravagé(e)s », « Les Hordes invisibles » et « La deuxième femme », Louise May met en scène dans ses romans les violences faites aux femmes. « Petite sale » a été récompensé par le prix Landerneau du polar. Elle écrit aussi pour la jeunesse et des bandes dessinées.

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